Qu’est-ce que la rémunération variable et peut-on vraiment la supprimer ?

Alors que la question de la rémunération variable reste un levier essentiel de motivation et de performance, de nombreuses entreprises s’interrogent aujourd’hui sur la possibilité de suspendre ou de modifier les modalités de son versement, souvent en invoquant un “bonus discrétionnaire” ou un changement de politique interne.

Un cas analysé récemment dans le cadre d’une consultation juridique permet de revenir sur les fondements juridiques de cette rémunération variable, les obligations de l’employeur, et les risques contentieux en cas de suppression unilatérale.

Rémunération variable, bonus, usage d’entreprise : quelles différences juridiques ?

1. La rémunération variable prévue par le contrat de travail

Lorsqu’elle est prévue dans le contrat de travail, la part variable devient une obligation pour l’employeur dès lors que les conditions fixées (généralement des objectifs) sont remplies. La jurisprudence encadre strictement cette modalité de rémunération (Cass. soc., 2 juill. 2002, n°00-13.111), imposant :

  • des critères objectifs,
  • l’absence de transfert du risque économique sur le salarié,
  • et le respect des minima conventionnels ou légaux.

Le changement de dénomination ou de politique interne ne peut remettre en cause cette obligation sans l’accord du salarié.

2. Le bonus présenté comme discrétionnaire par l’employeur

Théoriquement facultatif et laissé à l’initiative de l’employeur, le “bonus” est souvent présenté comme une gratification exceptionnelle. Mais dès lors qu’il est versé régulièrement, selon des critères identifiables et objectifs, la jurisprudence requalifie cette pratique en rémunération variable de nature contractuelle (Cass. soc., 10 mars 2021, n°19-18.078).

En clair : ce n’est pas l’intitulé qui compte, mais la réalité de la pratique.

3. L’usage d’entreprise en matière de bonus ou de variable

Même en l’absence de clause écrite, un employeur qui verse de manière constante, fixe et généralisée une part variable (ou un “bonus”) crée un usage d’entreprise. Cet usage lie l’employeur, sauf à être régulièrement dénoncé avec :

Supprimer une rémunération variable : quels sont les risques juridiques ?

La Cour de cassation est constante : la structure de la rémunération constitue un élément essentiel du contrat de travail (Cass. soc., 21 juin 2023, n°22-12.930). Cela inclut la part variable, quelle que soit sa modalité.

Ainsi, toute suppression, même temporaire, nécessite :

  • un accord exprès du salarié, ou
  • une dénonciation régulière de l’usage si la rémunération n’est pas d’origine contractuelle.

Une entreprise qui, sans formalisation écrite, annonce en interne que les objectifs collectifs n’ont pas été atteints et que “le bonus 2024 ne sera pas versé” prend un risque juridique important, d’autant plus si :

  • les objectifs individuels ont bien été fixés,
  • les évaluations ont été conduites,
  • et le variable a été versé systématiquement les années précédentes.

Changer l’intitulé de la prime variable : est-ce vraiment légal ?

Il est tentant pour une entreprise de requalifier sa politique de rémunération en “bonus” pour s’exonérer d’une obligation contractuelle. Pourtant, ce changement d’étiquette n’a aucune valeur juridique en soi.

Ce qui importe, c’est :

  • la régularité du versement,
  • l’existence de critères objectifs,
  • et la connaissance préalable par le salarié.

Même en cas de crise économique ou de mauvais résultats, l’entreprise ne peut supprimer une rémunération acquise sans passer par les voies formelles (avenant, dénonciation d’usage, négociation collective).

Que faire en cas de suppression illégitime du bonus ou du variable ?

Les salariés disposent de plusieurs leviers :

  • Une demande amiable de rappel de salaire, encadrée juridiquement, peut suffire à obtenir régularisation.
  • Le recours au CSE, qui peut porter une revendication collective et alerter sur les risques juridiques.
  • À défaut, un contentieux pour rappel de salaire, voire une prise d’acte de rupture, reste envisageable.

Attention toutefois : une prise d’acte ne peut se fonder que sur des manquements graves, appréciés au jour de la rupture. La jurisprudence impose également d’avoir tenté une régularisation amiable avant toute action (Cass. soc., 26 janv. 2011, n°09-42.628). La prudence est donc de mise.

Conclusion : bonus, variable, primes… une gestion à encadrer juridiquement

La suppression d’une rémunération variable versée régulièrement, sans dénonciation formelle ni modification contractuelle, est juridiquement contestable. L’entreprise s’expose à des rappels de salaire, des conflits collectifs ou des actions individuelles.

Le changement d’intitulé (“bonus” au lieu de “variable”) ne constitue ni une justification juridique, ni une réforme valide de la rémunération. Seule une démarche concertée, transparente, et juridiquement encadrée permet d’évoluer sans créer d’insécurité sociale ou de contentieux.

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🙋‍♀️ FAQ – Bonus, rémunération variable et droit du travail

Non, si le bonus a été versé régulièrement avec des critères objectifs et identifiables, cela peut être requalifié en élément contractuel ou en usage d’entreprise. Sa suppression nécessite alors un accord du salarié ou une dénonciation formelle de l’usage.

En droit du travail, le terme employé n’est pas déterminant. Ce qui importe, c’est la régularité du versement, l’existence de critères objectifs et la connaissance préalable par le salarié. Un « bonus discrétionnaire » peut donc être requalifié en part de rémunération contractuelle.

Non. La jurisprudence considère qu’une clause imposant la présence du salarié au moment du versement, alors même que les objectifs ont été atteints, est abusive. Le salarié reste créancier du bonus acquis.

Non, sauf accord du salarié. Les objectifs doivent être fixés en début de période et ne peuvent être modifiés unilatéralement. À défaut, la rémunération variable peut être due intégralement.

Oui, le salarié peut prétendre à la part variable au prorata de la période travaillée, dès lors que les objectifs sont atteints ou que l’évaluation a eu lieu. Cela vaut aussi en cas de dispense de préavis.

Deux solutions :

  • Par avenant au contrat de travail accepté par le salarié,
  • Par dénonciation régulière d’un usage, avec information préalable et respect d’un délai de prévenance suffisant.

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