Enquête interne et harcèlement au travail : ce que vous devez vraiment savoir

Harcèlement au travail : que vaut une enquête interne devant le juge ?

Le harcèlement au travail, qu’il soit moral ou sexuel, reste un sujet hautement sensible. Il engage la responsabilité de l’employeur, affecte profondément les équipes, et peut déboucher sur un contentieux lourd. Lorsqu’un signalement est effectué, l’entreprise doit réagir vite — et surtout, avec méthode.

L’enquête interne est aujourd’hui l’un des principaux outils utilisés pour faire la lumière sur les faits dénoncés. Mais attention : mal conduite, elle peut se retourner contre l’employeur.

👉 Que dit le droit ?
👉 Comment mener une enquête interne fiable ?
👉 Quelle valeur juridique a-t-elle devant le juge du travail ?
👉 Quelles bonnes pratiques adopter ?

Décryptage.

1. Harcèlement au travail : de quoi parle-t-on ?

Le harcèlement moral se caractérise par des agissements répétés entraînant une dégradation des conditions de travail (article L.1152-1 du Code du travail).

Le harcèlement sexuel est constitué de propos ou comportements à connotation sexuelle imposés à une personne, créant une situation intimidante, humiliante, dégradante ou offensante (article L.1153-1).

L’obligation de sécurité pèse sur l’employeur : dès qu’il a connaissance de faits potentiellement constitutifs de harcèlement, il doit réagir.

2. L’enquête interne : une obligation implicite, mais pas encadrée

À ce jour, aucun texte de loi ne définit le cadre de l’enquête interne. Pourtant, la jurisprudence considère qu’elle est indispensable pour que l’employeur remplisse son obligation de prévention et de réaction.

👉 En l’absence d’enquête, l’entreprise s’expose à une faute, voire à une condamnation.

👉 En cas de procédure prud’homale, l’enquête interne peut devenir une pièce maîtresse… ou un point faible si elle est mal conduite.

3. Cass. soc. 18 juin 2025 : une décision qui clarifie la valeur probante

Dans l’affaire Publicis (Cass. soc. 18 juin 2025, n° 23-19.022), la Cour de cassation a rappelé que l’enquête interne ne suffit pas à justifier un licenciement, même pour des faits graves comme le harcèlement.

Dans ce dossier :

  • L’enquête n’avait produit que 5 entretiens sur 14,
  • Certains témoignages clés étaient absents ou tronqués,
  • Le juge a donc écarté l’enquête, faute de fiabilité.

Moralité : le juge ne prend pas l’enquête pour argent comptant. Il en vérifie la méthode, la neutralité et la complétude.

4. Une enquête mal menée peut se retourner contre l’employeur

Voici les principales erreurs que l’on retrouve dans les contentieux :

❌ Enquête non documentée
❌ Témoignages non corroborés
❌ Absence de contradictoire
❌ Rapport non transmis ou tronqué
❌ Enquête menée par une personne impliquée dans les faits

Dans certains cas, cela peut même mener à la reconnaissance d’un licenciement abusif, voire nul.

5. Quelles bonnes pratiques pour sécuriser une enquête interne ?

Bien que non encadrée par la loi, l’enquête interne peut (et doit) suivre des règles de rigueur :

✔️ Accessibilité du dispositif

Tout salarié doit savoir comment signaler un fait de harcèlement :

Email dédié, ligne téléphonique, formulaire en ligne, etc.
Inclure les anciens salariés et les candidats à l’emploi.

✔️ Confidentialité

Protéger les victimes, les témoins et les personnes mises en cause.
Aucune information ne doit filtrer en dehors du cadre de l’enquête.

✔️ Impartialité des enquêteurs

L’enquête doit être menée par une personne neutre — interne non impliqué ou cabinet externe spécialisé.

✔️ Délai raisonnable

Lancer l’enquête sous deux mois maximum après le signalement,
Et la conclure dans un délai raisonnable.

✔️ Méthodologie structurée

Planifier les auditions, consigner chaque entretien, croiser les témoignages, analyser les faits objectivement.

✔️ Rapport complet et communicable

Un rapport écrit doit être établi : il doit pouvoir être versé aux débats en cas de contentieux.

6. Le rôle du RGPD dans l’enquête interne

Un point souvent négligé : les données personnelles.

📌 Les courriels, comptes rendus, témoignages, noms cités… sont des données personnelles.
📌 En vertu du RGPD, le salarié mis en cause peut demander accès à l’ensemble de ses données figurant dans l’enquête.

⚠️ Un refus ou une production partielle peut être sanctionné par la CNIL ou affaiblir la position de l’employeur en justice.

7. Recommandations du Défenseur des droits (2025)

En février 2025, la Défenseure des droits a publié 49 recommandations pour harmoniser les pratiques d’enquête. Parmi les plus pertinentes :

🔹 Accès multiple aux dispositifs de signalement
🔹 Mesures de soutien dès la déclaration (contact médecin du travail…)
🔹 Enquêteurs formés aux discriminations
🔹 Rapport structuré, signé, et partage possible en version anonymisée

En résumé

L’enquête interne est un outil essentiel en cas de harcèlement au travail. Mais elle ne peut être menée à la légère.
➡️ Elle engage la responsabilité de l’entreprise
➡️ Elle doit suivre une méthode rigoureuse
➡️ Elle doit être documentée, impartiale, complète et communicable

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FAQ – Harcèlement au travail & enquête interne

Elle n’est pas imposée par la loi, mais recommandée fortement par la jurisprudence. En cas d’inaction, l’employeur peut être condamné pour manquement à son obligation de sécurité.

Un membre des RH, un membre du CSE, ou un prestataire externe spécialisé (recommandé en cas de conflit ou de suspicion d’impartialité).

Oui. Le respect du contradictoire est fondamental. L’employeur doit permettre au salarié d’exposer ses arguments.

Liste des personnes entendues

Méthodologie utilisée

Résumé des faits

Synthèse des témoignages

Recommandations ou conclusions

Ce n’est pas obligatoire, mais conseillé. Il est également possible d’anonymiser les témoignages dans le rapport diffusé pour protéger les salariés.

Le Défenseur des droits recommande de la déclencher sous deux mois après le signalement. Sa durée dépendra de la complexité des faits.

Le juge peut décider de ne pas en tenir compte. Cela affaiblit considérablement la position de l’employeur.

Non. L’enquête doit être corroborée par d’autres éléments. Le juge vérifiera sa valeur probante (ex. : Cass. soc. 18 juin 2025).

Oui. Toute personne citée ou entendue peut demander à accéder aux éléments la concernant.

  • Annulation du licenciement
  • Condamnation pour harcèlement ou faute inexcusable
  • Atteinte à sa réputation et climat social dégradé

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